Titre original :
Sen to Chihiro no KakimakushiTitre français :
Le Voyage de Chihiro Dates de sorties :
10 avril 2002 (FR)
Avec les voix de :
Rumi Hiragi, Miyu Hirino, Takeshi Naitou
Synopsis :
Chihiro, dix ans, a tout d'une petite fille capricieuse. Elle s'apprête à emménager avec ses parents dans une nouvelle demeure.
Sur la route, la petite famille se retrouve face à un immense bâtiment rouge au centre duquel s'ouvre un long tunnel. De l'autre côté du passage se dresse une ville fantôme. Les parents découvrent dans un restaurant désert de nombreux mets succulents et ne tardent pas à se jeter dessus. Ils se retrouvent alors transformés en cochons.
Prise de panique, Chihiro s'enfuit et se dématérialise progressivement. L'énigmatique Haku se charge de lui expliquer le fonctionnement de l'univers dans lequel elle vient de pénétrer. Pour sauver ses parents, la fillette va devoir faire face à la terrible sorcière Yubaba, qui arbore les traits d'une harpie méphistophélique.
Caractéristiques du film : Animation 2D
Réalisé par : Hayao Miyazaki
Musique de : Joe Hisaishi
Durée du film :
2 heures 2 minutesImages du film :
Critique :
Coup de cœur ultime, LE VOYAGE DE CHIHIRO se révèle être, même après les années, un chef d'œuvre des studios Ghibli, qui ne pourra pas forcément être égalé par d'autres (reste encore à voir MON VOISIN TOTORO). Encore une fois, le film a été particulièrement mal vendu, car l'atmosphère chiante présagée dans la bande-annonce est en faites une atmosphère sublime et maîtrisée, ponctuant ainsi l'œuvre avec un dynamisme incroyable. Empruntant à la mythologie contemporaine (un village perdu que personne ne voit), aux légendes urbaines japonaises (les fantômes) et au drame social (la petite fille est en quête de réponses, d'amitié et de ses parents), LE VOYAGE DE CHIHIRO se révèle être maîtrisé tout d'abord par son lot de créatures et une ambiance particulièrement glauque.
Car la chose qui étonne le plus dans CHIHIRO, au même titre que MONONOKE, c'est les péripéties sans concession et assez virulente qui se déroulent sous nos yeux ébahis par la beauté éphémères des images. L'opposition de la vie et de la mort est ainsi traitée avec une intelligence rare, faisant passer un message universel sans être redit à longueur de temps. Le film débute sur Chihiro, regardant par la fenêtre le monde qui l'entoure, déconnecté de tous ces enfants qui jouent et qui profitent du bonheur de notre monde. Les parents eux aussi semblent heureux de faire ce voyage, mais la petite fille ne cesse de repenser à ce qui l'attend au-delà des frontières. Finalement, dans ce monde sans artifices, sans magie et sans sorcières, c'est cette petite fille banale qui semble morte et étrangère. Tout le contraire de l'attitude de Chihiro lorsqu'elle entre dans cet univers parallèle surréaliste, mais qui finalement va commencer à lui plaire au fur et à mesure qu'elle prend ses marques. Elle ne se rend véritablement pas compte de son implication sincère dans le travail qu'elle effectue, alors qu'elle était totalement livide en dehors. Savoir apprécier la vie qu'on mène peut résumer ainsi le sentiment qu'à l'héroïne lorsqu'elle retrouve bien évidemment ses parents à la fin du film, après ses multiples péripéties où elle était pétillante et pleine de bonheur. Une mélancolie naît alors dans ce regard, car elle doit quitter une nouvelle fois un monde où elle s'est comportée en enfant responsable et sincère. Un nouveau déracinement marquant aussi la réponse que fait Miyazaki envers ceux qui ne croient pas véritablement aux fées et à toutes les légendes utilisées dans les films Ghibli, et qui concerne surtout l'entêtement de ses personnes à prendre des marques dans le rationnel et le concret uniquement, ne laissant aucune place au rêve et à l'abstrait pourtant bien présent à notre époque.
Le film parcourt les méandres du fantastique, sur le fil du rasoir la plupart du temps, pour nous livrer des péripéties particulièrement bien rythmées avec des personnages hauts en couleur et des monstres effrayants. Parmi eux, on retiendra surtout la galerie de facettes bizarres et hilarantes des clients de l'établissement, l'arrivée du Vénérable Putride somptueuse et ragoûtante, et surtout l'énigmatique fantôme sans visage, qui prend le physique de ce qu'il mange en premier (ici, une grenouille et sa voix insupportable). N'hésitant pas à dénoncer les abus de pouvoir et à rajouter du sang sur certaines scènes, les péripéties de Chihiro montre surtout l'importance de l'imaginaire chez chacun de nous. Il suffit de croire à ce conte funèbre pour que finalement, on puisse croire à tout le film. Dans cet univers, tout devient réaliste à partir du moment où on se laisse submerger par les sentiments. Les illusions de Chihiro se mêlent à celles du spectateur, mais du moment où on se rend compte que tout est bien réel, on s'attache à cette petite héroïne que l'on soit enfant ou adulte. Les trésors de la narration sont en quelques sortes des "félicitations" adressées directement au spectateur, et c'est la meilleure récompense qui puisse arriver. Ainsi, on se retrouve avec des multiples boules de suies muettes mais terriblement expressives qui lancent des pierres dans le feu pour un vieillard à 8 bras, un énorme bébé terriblement agaçant, des jumelles d'une centaine d'année qui ne peuvent cohabiter ensemble, un Sans Visage créant de l'or pour montrer la cupidité de l'homme et les illusions qu'il porte à la vie (les pépites se révèlent être des cailloux), trois têtes machiavéliques au service de la sorcière, ainsi qu'un dragon se révélant être Haku, l'aide précieuse de Chihiro dans ce monde parallèle.
Plus on avance dans l'histoire, plus on se laisse bercer par cet univers incroyable et particulièrement beau, mais qui recèle de défauts, métaphore d'un Japon tétaniser par ses propres démons. La beauté éphémère du jour et de la campagne laisse place à la nuit dangereuse et malveillante, opposition basique du Bien et du Mal. Le niveau de la mer qui monte peu à peu est comme une menace impossible à détourner, mais à laquelle on est bien obligé de s'habituer pour survivre.
Au rythme d'une musique absolument sublime de Joe Hisaishi (compositeur célèbre participant pratiquement à tous les films de Miyazaki), les images laissent place à des scènes dantesques, outre celles citées précédemment. La liberté de l'âme pure est encore une fois exploitée par le voyage que fait Chihiro à dos de dragon, comme le faisait le porc à bord de son avion dans PORCO ROSSO. Une animation sans faille au service d'un scénario débordant d'intelligence et de magie, que demander de mieux ? Bien justement rien, car LE VOYAGE DE CHIHIRO est non seulement un chef d'œuvre de l'animation, l'un des meilleurs films des studios Ghibli et un bijou de bout en bout...