Titre Original: Hauru no ugoku shiro
Titre français: Le Château Ambulant
Date de sortie:12 janvier 2005 (France)
Avec les voix de Chieko Baisho, Takuya Kimura, Akihiro Miwa, Tatsuya Gashuin
Synopsis: Sophie, jeune cordonnière sauvé de multiples créatures par un prince séduisant mais que l'on dit maudit dans son château, se voit transformé en une vieille dame voûtée par une grande sorcière cherchant à flirter avec ledit prince. Sophie va alors décider de quitter son petit village natal pour retrouver son apparence normale, mais rencontre sur son chemin le même prince et entre dans son château avec l'aide d'un épouvantail sur ressort.
Réalisé par Hayao Miyazaki
Musique de Joe Hisaishi
Critique: Sûrement la grosse surprise que je n'attendais pas. L'ayant évité au cinéma après une bande-annonce qui me laissait songeur (en gros, je pensais à un film chiant, mal vendu et dont les idées ont été repiquées aux autres Miyazaki), LE CHATEAU AMBULANT se révèle être un bijou parfait de l'animation asiatique, drôle, bien rythmé et amusant de bout en bout, malgré un petit défaut que je lui reprocherais. Encore une fois, c'est une jolie jeune fille innocente qui est victime de quelque chose d'inexplicable dans l'univers réaliste au départ (un petit village ici, ou un voyage en voiture dans CHIHIRO) pour finir dans la fantaisie magnifique propre aux Studios Ghibli et à Miyazaki. Un point de départ amusant, ne traînant pas en longueur pour finalement que le spectateur atterrisse directement dans la maison particulièrement étrange, que l'on découvre petit à petit grâce à des péripéties extraordinaires.
On ressort du CHATEAU AMBULANT avec l'impression d'avoir vu un divertissement intelligent baignant dans une ambiance bonne enfant parfaite pour le contexte. Le film ne décroche pas des mésaventures de la jeune Sophie, jeune femme isolée et qui semble vide, jusqu'à ce qu'elle subisse un sortilège qui transforme son physique, chose récurrente dans les films de Miyazaki. Mais le succès artistique du film doit surtout à son lot de personnages attachants, présentés dans de longues scènes totalement maîtrisé par le cinéaste. On retrouve donc un petit enfant qui surveille le château en se transformant à l'aide d'une cape, un prince énigmatique et charismatique, une vieille sorcière qui devient au fur et à mesure une épave sur patte, mais surtout mon personnage préféré, Calcifer, le démon du feu lié au prince par un pacte scellé. Faisant ainsi bouger le château selon sa bonne volonté, il offre une touche d'humour particulière et étrange au milieu de cet univers rustre qu'est l'entrée du château au début du film.
Enchaînant les scènes humoristiques (les rencontres faites au cours du voyage sont toutes succulentes) aux scènes d'une beauté incroyable (la reconstruction du château aux multiples portes, avec l'immense plaine), ce qui marque le plus est l'opposition éternelle du bien et du mal beaucoup plus symbolique et suggérée ici. L'opposition est le thème centrale du film, et on le retrouve même dans la personnalité de tout les personnages rencontrés, de Calcifer à Sophie (qui doit lutter entre son tempérament de jeune femme et son physique de vieille dame), c'est bel et bien Hauru qui est le plus torturé ici. Prince énigmatique et "maudit", il doit en effet lutter contre une partie de sa vie, avec cette sorte de démon intérieur qui se symbolise par un oiseau gigantesque déployant ses ailes dans l'Enfer (la porte noire). Mais en plus de lutter contre lui-même, il doit faire face à l'unes des thématiques les plus fortes et noires de l'univers "miyazakien": la guerre et ses ravages. En passant cette porte noire, on pourrait croire qu'il se retrouve finalement avec le Diable, mais justement, c'est ici qu'une guerre sans merci se déroule entre deux armées qui détruisent les populations du monde entier avec une férocité déconcertante. Faisant ouvertement une référence à la Seconde Guerre Mondiale (et les bombes larguées sur Hiroshima et Nagasaki), on retrouve une population dévastée, allant même jusqu'à montrer comment un petit village tranquille se retrouver submerger par les explosions immondes. Grâce à l'humour burlesque de Sophie et des autres personnages, cette partie sombre du récit permet de faire le point sur ce que l'homme fait subir au peuple, et donc à lui-même.
La lutte se propage aussi chez les ennemis de ce groupe finalement très soudé (comme en témoigne les encouragements que Sophie fait à Calcifer pour qu'il remette le château en état). De part la jalousie d'une sorcière grosse et laide, les abus de sorcellerie de celle-ci montre bien que finalement c'est par la force que les plus grands se sont imposé arbitrairement. Miyazaki dénonce aussi les méfaits du pouvoir, symboliser ici par une princesse en apparence calme et sans problème, mais qui se révèle être à l'origine de toute cette guerre.
Bien entendu, le film réserve son lot de scènes agréables, poétiques et magnifiques qui rendent le tout agréable à regarder, sur le rythme léger de Joe Hisaishi. Mêlant habilement la 3D (à peine visible sur les engins énormes montrés dans le film) et l'animation artisanale qui fait la force du studio, le parcours que Sophie mène se retrouve bien entendu semé d'embûches originales et particulièrement réussies: la fuite dans les airs lors de la première rencontre entre la jeune Sophie et Hauru, la quête de cette vieille dame à travers la campagne avant de se retrouver dans le château, la montée des marches hilarantes de bout en bout montrant la compétition entre Sophie et la pauvre sorcière terriblement laide, la poursuite en petit engin volant qui oppose Sophie aux armées de la Reine, la reconstruction du château et sa nouvelle exploration, et surtout des séquences de guerre chocs dispersées de part et là dans le récit.
Mais s'il y avait quelque chose que je pourrais reprocher au film, un seul élément d'ailleurs, c'est sa fin vraiment poussée dans le happy-end jovial et bon enfant. Tellement jovial qu'il en devient déstabilisant: tout les personnages retrouvent leur apparence, même les secondaires (Navet se transforme en prince qui part immédiatement dans sa contrée), et tout le monde est content d'avoir pu empêcher la guerre avant de mourir. Outre ce défaut un peu gênant lors des dernières minutes (même la méchante sorcière devient sympathique – quoi que terriblement gâteuse).
LE CHATEAU AMBULANT, outre le nom de château utilisé 3 fois à Ghibli, a tout d'un film original. Inspiré d'un roman, Miyazaki a su exploiter les thèmes et les scènes qu'il voulait avec un talent toujours aussi énorme. Tout est beau dans le monde de l'animation japonaise !